Quand l'IA se fait chef d'orchestre

Musique | par Franskaya

Le blogue à Franskaya
Résumé de l'article

Dans cet article, j'explore l'impact de Lyria et de MusicLM, les dernières innovations de Google en matière d'intelligence artificielle musicale, sur la création artistique. Alors que MusicLM transforme des descriptions textuelles en mélodies de haute fidélité, Lyria va plus loin en générant des chansons complètes avec paroles, musique et chant. Ces avancées posent des questions cruciales sur l'avenir des créateurs de musique face à la montée de l'IA, notamment en termes de droits d'auteur et de rémunération. Le texte soulève des préoccupations éthiques et explore les réactions de la communauté artistique et les réponses législatives, comme les consultations publiques initiées par le gouvernement du Canada et les positions de la SPACQ, tout en reconnaissant le potentiel novateur de ces technologies.


Lyria et MusicLM : à l'aube d'une ère musicale révolutionnée par l'IA

Qu'ils le veulent ou non, enthousiastes ou au contraire inquiets, les compositeurs devront bientôt composer avec l’IA

En tant que compositeur passionné de musique électronique et fervent adepte de la technologie, je me retrouve à un carrefour à la fois fascinant et inquiétant avec l’arrivée de Lyria, la dernière innovation de Google dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) musicale.

Dans cette série d'articles sur la musique, j'aborde différents thèmes d'intérêt pour les musiciens, les artistes, ou toute personne sensible à la magie de la musique.

Google avait déjà ébranlé la communauté artistique en janvier dernier en présentant MusicLM, qui permet de créer des mélodies à partir de simples requêtes textuelles. MusicLM est capable de créer de la musique haute fidélité, en 24 kHz, qui reste cohérente pendant plusieurs minutes, ce qui offre la possibilité à un utilisateur de concevoir une piste instrumentale sans toucher un clavier de synthétiseur, en se contentant de spécifier le genre musical, le type d’instrument, l’ambiance, le lieu ou l’époque, par exemple.

Image générée par l'IA Dall-E de robots jouant de la musique sur une scène électrisée

Pour le moment, certains commentateurs indiquent qu’on est encore loin d'avoir envie d'ajouter ces sonorités dans nos playlists, et même que la plupart des musiques créées par ce logiciel peuvent vite devenir désagréables pour nos oreilles humaines. Mais évidemment, on n’en est qu’aux premiers jalons.

Dans sa dernière annonce, Google révèle Lyria, une IA développée par sa filiale DeepMind, qui va encore plus loin que MusicLM. Cette IA ne se contente pas de générer des mélodies, mais elle assemble paroles et musique, comme un compositeur et parolier virtuel. Lyria chante en plus, permettant de générer une chanson complète ! Bientôt, n’importe qui pourra demander au programme de créer une pièce personnalisée, sur la base d’une simple description écrite ! Dans une vidéo promotionnelle, on voit quelqu’un fredonner quelque chose, puis demander à l'IA d’en faire une partition de saxophone. Puis l’IA ajoute d’autre pistes, et l’arrangement final est particulièrement convaincant !

Ces développements, bien que fascinants, soulèvent des questions importantes. En tant que compositeur, je me demande comment ces technologies vont transformer l’industrie. Vont-elles compléter ou concurrencer la créativité humaine ? Imaginez Spotify proposant des stations où la musique est créée en direct par une IA, inventant des mélodies inédites à la volée ! Sachant la compétition énorme qui existe déjà entre les humains pour le temps d’écoute, l’ajout de ce joueur aura-t-il pour conséquence de diminuer la part de temps d’écoute dévolue aux humains ? On voit déjà le scénario se profiler à l’horizon où les géants comme Google n’auront pas de redevances à verser aux créateurs en faisant jouer des musiques autogénérées… Les profits du géant étant déjà colossaux, ces contenus réduiront encore davantage les revenus des musiciens et des créateurs. Assisterons-nous à un recul progressif de la création musicale humaine, éclipsée par ces génies artificiels ? Cette nouvelle révolution numérique mettra-t-elle de plus en plus de musiciens et de créateurs sur le carreau ?

Image générée par l'IA Dall-E d'un robot violoniste jouant de la musique sur une scène électrisée

On assiste en ce moment à la débandade complète du modèle d’affaires des médias traditionnels, basé sur la publicité. Le groupe TVA subit déjà durement les conséquences du changement des règles du jeu, et a récemment été obligé de procéder à une coupe de plus de 500 emplois. Le gouvernement du Canada a demandé récemment dans sa législation aux géants comme Google et Facebook de partager leurs immenses revenus publicitaires avec les créateurs de contenu canadiens, les journalistes, les éditeurs, mais ils s’y refusent. Le même sort attend-il les créateurs de musique? On a de quoi s’inquiéter ! Si l’on n’a plus besoin de faire de longues études musicales pour créer de la musique à l’image et que tout producteur n’a qu’à demander à une IA de proposer gratuitement une trame sonore, on risque d’assister à la disparition de certains métiers. En effet, si les clients potentiels peuvent tout réaliser eux-mêmes grâce à des IA comme Lyria, MusicLM ou Jukebox d’OpenAI, par exemple, qui cherchera à se prévaloir des services onéreux d’un humain pour un mixage, un arrangement ou une composition ?

Google répond à ces craintes en affirmant qu'il a adopté un code de conduite pour faire en sorte que les impacts de l'IA soient positifs pour le futur de la musique. Il promet que les pistes de musique crées au moyen de Lyria seront encodées avec une technologie de watermark appelée SynthID, qui permettra d'identifier le contenu généré par une source artificielle. Google dit poursuivre l'objectif de fournir aux artistes des moyens créatifs additionnels à ceux qui existent déjà, leur permettant d'explorer de nouveau paysages sonores. Il proposera donc certains outils, offrant par exemple la possibilité de créer une piste d'instrument à partir de quelques notes fredonnées ou jouées sur un clavier, ou encore de transformer quelques accords en harmonies vocales.

L’IA, sans aucun doute, ouvre des portes à une créativité sans précédent. Elle permettra à chacun de devenir journaliste, compositeur, écrivain, graphiste et quoi encore. Mais elle soulève aussi des préoccupations sérieuses. Google a utilisé plusieurs milliers d’heures d’oeuvres humaines protégées par le droit d’auteur pour entraîner MusicLM, sans consentement, crédit, ni compensation pour les créateurs originaux. Cette situation pose des questions éthiques et légales importantes.

Heureusement, face à ces défis, le gouvernement du Canada a initié des consultations publiques sur l’impact de l’IA générative sur le droit d’auteur. Ces consultations, ouvertes jusqu’au 4 décembre 2023, visent à recueillir des commentaires pour l’élaboration de politiques sur le droit d’auteur, notamment en ce qui concerne l’utilisation d’oeuvres protégées pour l’entraînement des IA, la titularité des droits sur le contenu produit par l’IA, et la responsabilité en cas de violation des droits d’auteur.

Image générée par l'IA Dall-E de robots jouant de la musique sur une scène électrisée

La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) a également pris position sur cette question, et fait ses représentations dans le cadre de cette consultation gouvernementale. Le mémoire soumis par la SPACQ souligne l’impact de l’IA générative sur le secteur culturel et le risque de préjudice économique pour les ayants droit. Dans son mémoire, l’organisme soutient la mise en place d’une réglementation garde-fou.

Une chose est sûre: l’ère de la musique assistée par IA est commencée. Elle offrira des opportunités et des possibilités incroyables, à n’en pas douter ! Mais nous confronte en même temps à de nouveaux défis éthiques complexes et à des conséquences qui restent à découvrir.

Image générée par l'IA Dall-E d'un robot jouant sur un synthétiseur sur une scène électrisée

En tant qu’artiste technophile, je suis à la fois excité par la perspective de jouer avec de nouveaux outils futuristes et la préoccupation de devoir le faire dans un contexte exempt de revenus.

L’IA monopolisera-t-elle un jour les métiers complexes au détriment des humains? À quoi ressemblera la musique dans cent ans? Selon vous, qu'est-ce que Karl Tremblay des Cowboys Fringuants, disparu récemment, penserait de tout ça ?

Remarque: Les illustrations de cet article ont été créées avec Dall-E d'OpenAI. Cela illustre concrètement les propos de mon texte : aucun photographe ni illustrateur humain n'a été sollicité pour cet article, soulignant ainsi l'absence de revenus pour ces créateurs dans le contexte de l'émergence de l'IA.

Références principales:


Portrait of Franskaya, music producer and composer from Quebec, Canada

Franskaya

Blogueur, auteur, artiste, Franskaya est aussi auteur-compositeur, technicien de son et producteur de musique de Québec au Canada. Ne manquez pas le prochain article en le suivant sur sa page Facebook, ou cliquez ici pour en savoir plus au sujet de l'auteur de cet article..


Image de la pochette du single de musique Circles par Franskaya mettant en vedette l'artiste britannique Scarlett Quinn

Circles

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