Décryptage de "Calm Down" par Rema

Analyses | par Franskaya

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Résumé de l'article

Cet article d'analyse musicale explore 'Calm Down' de Rema, un titre qui a su séduire un large public en 2022 et 2023. Ce titre combine des influences d'Afrobeats et de pop pour créer une expérience auditive unique. L'article offre un aperçu des techniques de production, des paroles et de l'impact de la chanson dans le paysage musical contemporain.


L'analyse d'un hit pop qui nous charme par son alliage de pop et d'afrobeat

Comprendre les rouages d'une musique qui se distingue - Perspective d'un compositeur de musique électronique

L’univers de la musique pop foisonne de chansons captivantes! Des producteurs comme Calvin Harris, David Guetta et Max Martin enchaînent les succès les uns après les autres, tous aussi accrocheurs et enchanteurs les uns que les autres.

Les recettes pour concocter des succès sont bien établies, et des chanteuses comme Sia, Dua Lipa, Madonna, Beyoncé, Taylor Swift, Lady Gaga, Ariana Grande et Pink, pour ne citer que les plus proéminentes, maîtrisent l’art de nous charmer avec leurs hits tellement lisses et parfaits qu’ils semblent souvent en contrepartie vaguement manquer d’authenticité. J’oserais comparer cette pop avec le fast food: c’est bon, c’est beau, c’est normé et ça plaît à tout le monde, y compris moi.

Photographie de Rema avec son amoureuse vêtue d'une robe jaune

Or entre la « fast pop » et ce qu’on pourrait appeler la « musique du terroir », il y a un monde. Et des millions de titres. Ma playlist préférée du moment sur Apple Music est Pop Alternative, qui nous entraîne dans des sentiers un peu moins rabattus, même si les codes pop restent les mêmes.

Il va sans dire qu’il est devenu très difficile de se démarquer dans le marché hyper saturé de la pop contemporaine. À l’occasion toutefois, un artiste propose un son qui s’écarte des recettes conventionnelles. C’est le cas de Rema, qui nous amène une bouffée d’air frais avec « Calm down ».

Photographie de Rema en train de discuter avec une femme vêtue d'une robe jaune

Mais qu’est-ce qui a propulsé « Calm Down » vers les sommets de la pop mondiale au juste depuis sa sortie en février 2022? Je me pose cette question du point de vue d’un compositeur de musique qui cherche à saisir l’essence de la popularité dans le paysage musical d’aujourd’hui. Comment un titre fait-il son chemin jusqu’au club sélect des « milliardaires » de Spotify?

Dans cet article, je me penche sur les subtilités musicales et les nuances culturelles de cette chanson, enracinée dans l'héritage nigérian. Un titre qui se distingue par l’alliance entre innovation et tradition qui s'opère tout en finesse.

Dans cette série d'articles, je m'attache à analyser des chansons à succès sous l'angle d'un compositeur et producteur de musique, pour en révéler les rouages et comprendre ce qui fait que ça marche!

Ce qui frappe d’emblée, dans les premières secondes

Le morceau s'ouvre sur un riff de guitare à deux accords, accompagné d'un simple stick. Au début de la 2e répétition, on entend une voix de femme dire « high » ou « I » sur le ton du ravissement. Puis, l’artiste nous lance un surprenant « Anada Banga », qui pourrait être le nom de la bien-aimée du chanteur, une onomatopée africaine, ou une expression dans un langage secret. Mais en s’intéressant au texte des paroles, on découvre qu’il dit en fait: « Another Banger », qui se traduit en français par « un autre tube », « une autre chanson à succès ». Rema nous dit d’emblée: voici un morceau particulièrement bon, mais c’est juste un parmi tant d’autres, comme s’il essayait de rester humble. Voilà, la table est mise, on est ailleurs.

La voix masculine, qui semble à première vue se situer dans le registre ténor, bascule ensuite dans un dialecte créole anglais, prédominant au Nigéria, avec les paroles : « Baby calm down, this your body e put in my heart for lockdown. »

Cette accroche est très réussie. Joviale, la mélodie est immédiatement intrigante, surtout qu’elle est exprimée dans un mélange de Pidgin et d’anglais qui lui donne une saveur d’authenticité et d’exotisme. On note aussi des sons de glissements sur les frets de guitare, qui suggèrent qu’une vraie guitare est utilisée.

On est habitué d’ordinaire à entendre un couplet ou deux au début d’une chanson pop, suivi du refrain. La chanson de Rema se distingue ici du fait qu’elle commence par le refrain.

Photographie de Rema avec son amoureuse vêtue d'une robe jaune qui est en train de lui chuchoter quelque chose à l'oreille

Pendant ce premier refrain, il faudra attendre quelques mesures avant qu’un nouvel instrument ne soit introduit. La guitare et le stick continuent d’accompagner la voix du chanteur tout en douceur. Comme pour nous faire languir. Par contre, Rema se met à utiliser des onomatopées peu courantes en musique pop, dont le fameux lo-lo-lo-lo-lo-lo-lo-lo-woah-woah-woah (« love »), qui donne tout son charme exotique à la chanson, et constitue l’un des éléments accrocheurs. On note à cette occasion quelques harmonies de voix étagées, mais d’une belle simplicité, un peu comme des accords à deux doigts.

Ce n’est que lors de ces onomatopées chantées qu’entre en jeu un son de synth dans le registre des mids, typique des leads de musique dance, mais sans en avoir la proéminence, qui vient ajouter avec une certaine élégance une touche au groove déjà dansant de la chanson.

Photographie de Rema en train de faire de la motocyclette avec son amoureuse assise à l'arrière

En première écoute, je constate qu’il n’y a pas de basse dans cette chanson! Ce n’est qu’en réécoutant attentivement le morceau que je réalise qu’il y a bien une basse, mais elle est si retrait qu’on la devine à peine. On l’entend mieux au début du 1er couplet, juste avant que le chanteur ne dise: « I see this fine girl, for my party she wear yellow ». C’est aussi dans ce premier couplet qu’on nous introduit un son qui rappelle le Wurlizter, que le compositeur Vibez a soigneusement noyé dans un reverb planant mais bien dosé. Ce couplet est aussi marqué par les « mmm hmmm » de la belle, qui n’entend pas se laisser séduire aisément par de belles paroles!

Sans être vraiment une basse, le synth évoqué plus haut, joue un peu un rôle de basse, plus par sa rythmique que par sa tonalité.

Photographie de Rema et son amoureuse debouts devant un muret

Dans la deuxième instance du refrain, les no-no-no-no-no sont appuyés par quelques éléments rythmiques indiquant à l’auditeur qu’un moment paroxystique est atteint: Rema ne se laissera pas éconduire aussi facilement!

Ensuite, un nouvel instrument fait son entrée, une sorte de violon cassé qui vient appuyer la mélodie, comme pour souligner à gros traits les temps forts.

Photographie de Rema et son amoureuse près d'une table de billard

Et voilà! C’est à peu près tout ce qu’il y a à dire de cette production qui brille par son ingénieuse simplicité. Le Guardian décrit la chanson comme un mélange d’Afrobeat et de pop, tandis que Victor Okpala de Nabsolute Media parle lui de « mélodies afro-fusion ».

Avec son tempo de 107 BPM en 4/4, d’une durée de 3 minutes 40 secondes, la chanson irradie d’une belle énergie, à la fois sereine et dansante, de bout en bout. La musique en Si majeur accompagne les paroles de façon efficace, le refrain est infectieux, et le texte touche l’auditeur par son contenu universel: quel moment magique que celui de la première rencontre avec sa future amoureuse! On peut certainement affirmer que, sans constituer une performance vocale proprement dite, la voix unique de Rema est émouvante, et nous touche de façon inexplicable.

Photographie de Rema et son amoureuse près d'une table de billard

Je note l’ajout en finale d’un synth qui n’avait pas été entendu jusque là, et qui évoque une certaine nostalgie, nous rappelant que la chanson a été écrite après coup; la première rencontre avec son amoureuse étant chose du passé, la finale en appelle aux mémoires de l’auditeur et les sublime avec raffinement.

En bref, on pourrait qualifier l’arrangement de sobre et feutré, et dire du mix qu’il est bien balancé, délicat, et avec une ligne de basse furtive pour ne pas dire timide.

Évidemment, l’idée d’inclure la texane Selena Gomez dans un remix environ sept mois plus tard en septembre 2022 fût un coup de génie qui a permis de donner beaucoup de visibilité au titre. Tout en fusionnant, du coup, la pop nord-américaine avec l’afrobeat Nigérian.

En somme, "Calm Down" de Rema se distingue comme une œuvre captivante qui transcende les frontières de la pop conventionnelle. À travers son mélange harmonieux d'Afrobeats et de pop, enrichi d'une touche d'authenticité culturelle où tradition et modernité se rencontrent. La subtilité de la production, alliée à la voix unique de Rema, crée une expérience auditive à la fois familière et exotique. "Calm Down" n'est pas seulement un succès commercial ; c'est un témoignage de l'évolution constante de la musique pop et de son potentiel illimité à fusionner diverses influences pour créer quelque chose d’à la fois universel et unique. En définitive, Rema ne se contente pas de nous offrir « un autre tube » (Another banger) ; il montre qu’il y a encore de la place en 2023 pour l’innovation et l’originalité dans la musique pop.

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Références principales:


Portrait of Franskaya, music producer and composer from Quebec, Canada

Franskaya

Blogueur, auteur, artiste, Franskaya est aussi auteur-compositeur, technicien de son et producteur de musique de Québec au Canada. Ne manquez pas le prochain article en le suivant sur sa page Facebook, ou cliquez ici pour en savoir plus au sujet de l'auteur de cet article..


Image de la pochette du single de musique Circles par Franskaya mettant en vedette l'artiste britannique Scarlett Quinn

Circles

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